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Degas et la danse

29 10 2019

Jusqu’au 19 janvier 2020 , le musée d’Orsay consacre une grande exposition à Degas sous l’angle du rapport qu’il a entretenu toute sa vie avec l’Opéra de Paris qu’il appelait « sa chambre à lui ». L’occasion de faire le point sur sa relation si particulière avec la danse. 

« Peintre des danseuses » : c’est en effet ainsi que Manet définit Degas dans une lettre adressée à Fantin-Latour en 1868, anticipant d’une dizaine d’années le jugement des critiques ; ainsi est-il encore connu aujourd’hui en raison du grand nombre d’œuvres qu’il a consacrées à ce sujet de 1860 jusqu’aux années 1890.

En effet, près d’un millier de ses toiles et dessins sont consacrées aux danseuses de l’Opéra. Pourquoi la danse plutôt que la musique ? Parce qu’elle est un art visuel, un travail de l’équilibre et du mouvement. De plus, l’exposition des bras et jambes des ballerines – le tutu étant une tenue plutôt dénudée aux yeux de l’époque – fait de ces jeunes danseuses un parfait sujet d’exercice pour le coup de crayon de Degas.Peut-être aussi que l’entraînement physique exigé par la danse lui rappelle celui tout aussi précis et méticuleux du dessinateur, qui soigne chacune de ses courbes et de ses lignes…

En tout cas, Degas ne partage pourtant pas, à l’égard des danseuses, l’admiration intéressée de la plupart des habitués de l’Opéra, notamment des riches abonnés. Si le peintre insiste auprès de l’administration du théâtre pour obtenir l’abonnement annuel à trois soirées hebdomadaires, partageant les frais – et la place – avec des amis, et s’il se réserve le très convoité droit d’accès aux coulisses et au foyer de la danse, ce n’est pas pour des aventures galantes.

Degas est fasciné par le monde des danseuses et le représente tel qu’il est, sans tomber dans le voyeurisme ou dans les préjugés qu’il suscite dans la société de son temps. Comme il peut assister aux classes, aux répétitions, aux spectacles et au repos des danseuses et que, de plus, il en invite souvent dans son atelier, Degas connaît bien leurs habitudes et leur milieu de travail, le dur entraînement caché derrière les gestes légers et élégants et les sourires affichés sur la scène.

Les danseuses qui posent pour Degas au théâtre et dans son atelier appartiennent à tous les échelons de la hiérarchie. Le peintre noue des relations d’estime et d’amitié réciproques avec plusieurs d’entre elles. Contrairement aux moralistes qui considèrent toutes les danseuses comme des femmes de petite vertu, sans véritablement connaître leur vie dans le théâtre, Degas sait bien que les ballerines de l’Opéra se divisent en deux catégories : les filles qui, souvent poussées par leurs mères, veuves ou célibataires aux maigres revenus, entrent à l’Opéra pour trouver des hommes disposés à les entretenir et éventuellement à les épouser ; et les artistes à la réputation irréprochable.

Peintes avec une humanité bouleversante, saisies au vol dans des situations de travail parfois pénibles, les danseuses représentées par Degas sont si lumineuses qu’avec lui, le terme « étoile » prend tout son sens !

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